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Kommersant : marque et vision

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Kommersant : marque et vision

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13667

En écoutant Damian Kudriavstev décrire comment Kommersant Publishing House est passé d’une entreprise de presse axée sur les produits imprimés à un fournisseur multimédia renommé en Russie, tout pourrait sembler logique et simple. Mais comme chacun le sait, ce travail de transition n’est jamais fini et jamais facile.

Damian Kudriavstev

Depuis octobre 2006 lorsque Damian Kudriavstev a pris les rênes en tant que P.D.G., les activités de Kommersant Publishing House en Russie sont passées à la vitesse supérieure : le quotidien économique phare paraît en quadrichromie ; de nouveaux magazines, des sites Web et une station radio FM ont été lancés et une nouvelle chaîne d’infos télévisées verra le jour en septembre.

Selon Damian Kudriavstev, la raison de tous ces changements n’était pas de chercher une nouvelle audience – tant mieux si de nouveaux clients s’ajoutaient aux anciens  – mais plutôt de satisfaire les besoins d’une audience fidèle et de prolonger la marque Kommersant.

Damian Kudriavstev partagera son expérience avec vous au cours de la session du 63e Congrès mondial des journaux (du 12 au 15 octobre) dédiée au repositionnement.

 

WAN-IFRA : Sous votre direction, Kommersant a diversifié ses activités, notamment dans les domaines Internet, télévision et radio. Comment vous êtes-vous préparé à cette diversification multimédia ?

Damian Kudriavtsev : Mes antécédents de carrière se situent surtout au niveau d’Internet car j’étais un des premiers fournisseurs de services Internet (ISP) en Russie. Et je me rappelle que quand nous avons lancé la société, la première question que les gens posaient était : « Pourquoi devrais-je vous choisir ? Avez-vous aussi un contenu intéressant ? En russe ? » C’était marrant. À partir de là, nous avons décidé de fonder une vraie société fournissant du contenu pour notre ISP. Ce que je veux dire, c’est qu’à l’époque les gens voulaient savoir s’il existait du contenu intéressant au cas où ils seraient prêts à payer pour cette connexion. Et même aujourd’hui, les Russes ne sont pas vraiment prêts à payer pour du contenu, c’était donc peu prévisible en 1996.

Ensuite Kommersant… la société était connue pour son contenu traditionnel imprimé. Elle avait une bonne réputation, surtout vers le milieu des années 90, et son contenu avait une certaine influence. Puis au début du siècle elle a commencé à passer de mode. Et c’est pour cette raison que les actionnaires m’ont demandé d’innover.

Nous avons donc commencé à changer le contenu des plates-formes traditionnelles, pas celui des plates-formes numériques. Nous sommes passés d’un journal imprimé exclusivement en noir et blanc à un journal avec davantage de couleurs, ce qui a aussi modifié et amélioré nos rapports avec les annonceurs.

Deuxième étape : changer la ligne de nos magazines. Nous avions des titres couvrant les finances, la politique et le journal Kommersant, mais notre audience n’était pas seulement intéressée par ces domaines. Elle souhaitait aussi lire des articles sur les voyages, la mode, etc. Nous avons donc ajouté des magazines sur les voyages, le shopping, le côté glamour pour cette même audience. Pas forcément pour élargir l’audience, mais plutôt pour répondre à ses besoins. Elle croyait en Kommersant alors que les produits ne parlaient que de politique et d’économie et maintenant elle croyait en Kommersant pour les autres sujets que la société couvrait en prime.

Nous avons donc eu une réunion sur la stratégie au cours de laquelle j’ai annoncé cette nouvelle idée : ne pas se concentrer sur une nouvelle audience, mais d’abord couvrir tous les besoins de notre audience. Par exemple, la politique dans le journal, l’économie et les finances dans un magazine, le côté glamour dans un autre magazine.

Mais – et voilà la 3e étape – lorsque l’audience est à Moscou en train de rouler en voiture, il y a des problèmes énormes de circulation et pendant ce temps, l’audience ne peut pas lire les produits imprimés. Nous ne voulons cependant pas les laisser seuls, donc pourquoi ne pas faire de la radio. Nous serons ainsi constamment présents. Et si nous y parvenons, nous parviendrons certainement aussi à faire un site d’infos en ligne. Nous avions un site Web avec des articles du journal mais nous pensions qu’il serait bien de le convertir en un site Web avec des infos en continu. Cela a été la 4e étape.

Puis nous avons réalisé que nous produisions tellement de contenus déjà multimédias – audio, blogs, Internet, c’est-à-dire un contenu interactif – que nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas lancer une chaîne de télévision ? » Nous avions les contacts, beaucoup de gens connus, des sujets à couvrir, beaucoup de talent dans le domaine du visuel et nous avions de nombreux contacts avec des vedettes de l’actualité. Donc il nous fallait organiser des packages d’infos et les adapter à la télévision. C’est une explication un peu simplifiée, mais nous allons lancer une chaîne d’infos en septembre qui visera notre audience, cette même audience qui nous est fidèle depuis 20 ans.

 

WAN-IFRA: Quels sont les problèmes auxquels l’entreprise de presse a été confrontée lors du lancement de la station radio par exemple ?

Damian Kudriavtsev : Il y a plusieurs choses à prendre en compte, mais tout d’abord il y a la question de la marque. Notre marque avait ses racines dans les produits imprimés, mais nous voulions la prolonger dans toutes les activités que nous entreprenions. Quant à la radio, s’il n’y a pas d’articles à lire, la même émotion associée à la lecture d’articles imprimés doit être véhiculée à travers tous les divers supports médias, bien entendu d’une façon différente. Si vous n’y parvenez pas, les gens ne vous suivront pas. Même chose pour l’imprimé. Il y a eu une fois cet extraordinaire site Web russe sur l’économie qui a lancé un journal, mais les gens ont été déçus par le journal et ont fini par ne plus consulter le site Web non plus. Lorsque nous avons lancé notre station radio, il fallait trouver les bonnes personnes pour ce support. Lorsque nous embauchons des gens pour le journal, nous essayons de leur instiller l’esprit Kommersant et de leur dire qui nous sommes. C’est la même chose pour la radio.

Deuxièmement, les gens qui passent des annonces à la radio sont très différents de ceux qui annoncent dans les produits imprimés ; ils utilisent différentes agences de publicité, et principalement des agences avec lesquelles nous n’avons jamais travaillé. Il nous a donc fallu les éduquer, si j’ose dire, c’est-à-dire les initier à Kommersant. La plupart des annonceurs savent que Kommersant est le journal le plus important du pays, mais les gens de la radio ne s’en soucient guère. « Si vous voulez que je passe des publicités chez vous, prouvez-moi que vous savez faire de la radio ! »

Et troisièmement le système est différent. Nous savons comment calculer et distribuer les journaux mais pour la radio nous avons besoin des cotes d’écoute et ces cotes, c’est aussi quelque chose de nouveau pour nous. Ceci étant dit, je pense quand même que nous sommes parvenus à bien résoudre tous ces problèmes. Cela fait un an que nous faisons de la radio et cela marche bien, mais pas assez bien. Nous ne gagnons pas beaucoup d’argent pour le moment, mais nous n’en perdons pas non plus. Nous voyons donc l’avenir avec optimisme.

 

WAN-IFRA : Comment sont organisées les équipes rédactionnelles ? Avez-vous une équipe pour chaque média ? Les rédactions sont-elles intégrées ? Est-ce la même chose pour la publicité ?

Damian Kudriavtsev : Nous avons une division séparée appelée Synergy, dont la tâche principale est de s’informer auprès de toutes les équipes rédactionnelles séparées pour travailler sur des projets transversaux. Je ne parle pas ici de promotion croisée, mais bien de projets transversaux. Synergy utilise donc du personnel de divisions séparées pour produire du contenu destiné à des projets spécifiques et verse un salaire supplémentaire. Les journalistes doivent travailler pour différentes divisions, mais sont payés pour ce travail en plus.

Quant à la publicité, nous vendons des espaces pour chaque support média séparément, mais les équipes entretiennent des liens étroits entre elles.

 

WAN-IFRA : Comment votre expérience dans le numérique vous a-t-elle aidé pour cette stratégie de diversification ? 

Damian Kudriavtsev : J’admets que cela a quand même représenté un défi pour moi, car vous imprimez quelque chose qui ne peut pas être modifié par la suite. Mais cela a aussi représenté un défi pour notre équipe rédactionnelle : écrire par exemple des articles qui vont au-delà du jour suivant. Mais nous ne nous y sommes pas mis du jour au lendemain, nous avons avancé pas à pas. Et je pense qu’aujourd’hui nous savons tous ce que nous devons faire.

 

WAN-IFRA: Aujourd’hui, les sociétés médias sont pressées par le temps dans leur recherche de nouveaux marchés, entreprendre des études de marché dans ces conditions semble long.

Damian Kudriavtsev : Les études de marché sont importantes, mais ne sont pas décisives. Qui aurait pu conseiller à Mark Zuckerberg en 2006 de se lancer dans Facebook pour la simple raison que MySpace et Friendster prospéraient déjà. Bien sûr, il faut s’appuyer sur des études de marché, mais il faut aussi croire à ce que l’on fait et avoir une vision. Il faut également s’assurer de l’accord de son personnel et de ses actionnaires. Alors vous pouvez vous lancer. En Russie, le marketing est souvent à la traîne. Si vous aviez demandé aux gens en 1989 s’ils aimaient l’Union Soviétique, 75 % auraient répondu que oui. Au début des années 90, l’union Soviétique n’existait plus. Avant l’ouverture du marché, il aurait été insensé de faire du marketing pour le roquefort, puisque personne n’y avait jamais goûté. Mais si vous pensez qu’il y a une chance que les personnes y goûtent, alors il faut le mettre en vente. Ce que je veux dire, c’est que le marketing repose non seulement sur une vision, amis aussi sur l’éducation des gens, des explications et une immense démarche publicitaire… tout au moins dans ce pays.

Auteur

Dean Roper's picture

Dean Roper

Date

2011-08-08 17:54

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