Ce prix annuel de l'Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d'information (WAN-IFRA) honore l'engagement d'un rédacteur en chef ou d'un éditeur du monde arabe.
Aboubakr Jamaï a reçu le prix des mains de Bengt Braun, ancien président et ambassadeur senior de la WAN-IFRA, et de Nayla Tueni, membre du conseil d'administration et directrice générale adjointe du quotidien An Nahar et fille de l'éditeur assassiné Gebran Tueni.
Ce prix souhaite honorer le combat constant d'Aboubakr Jamaï qui n'a jamais renoncé à publier des articles reflétant un des meilleurs journalismes indépendants de la région alors que la monarchie de son pays continue d'avoir la mainmise sur les médias marocains malgré toutes ses promesses de réforme.
« Le Maroc est un pays qui a besoin de changement et où rédacteurs et éditeurs de la presse indépendante réclament depuis longtemps la liberté d'expression », a souligné Bengt Braun en présentant le prix lors de la cérémonie du 12 avril. « L'homme auquel nous rendons hommage aujourd'hui, Aboubakr Jamaï, est un pionnier en la matière et Le Journal Hebdomadaire qu'il a fondé s'est taillé une réputation de voix critique qui a fait autorité dans la presse marocaine.
"À la suite de la vague de libéralisation et démocratisation dans le pays, Le Journal Hebdomadaire chercha à faire respecter les engagements pris par les autorités pour manifester une plus grande transparence et mettre fin à la corruption et aux abus des droits de l'homme. Malheureusement, il n'a pas réussi. Le journal a été fermé en 2010, victime d'un boycott publicitaire, criblé de dettes et condamné à une lourde amende de 270 000 euros. Mais sa liberté de ton et ses analyses caustiques sont un exemple pour la presse indépendante de toute la région et c'est cela que nous célébrons aujourd'hui", a ajouté Bengt Braun.
Aboubakr Jamaï s'est dit "profondément honoré" de recevoir le prix. "Je le suis d'autant plus que le nom de ce prix est celui d'un homme qui a payé le prix le plus fort qui existe dans sa quête de vérité et de liberté", a-t-il déclaré.
Gebran Tueni a été assassiné dans un attentat à la bombe à Beyrouth en 2005. Ce prix honore l'engagement d'un rédacteur en chef ou d'un éditeur pour la défense des valeurs incarnées par Gebran Tueni : attachement à la liberté de la presse, courage, sens du leadership, ambition, grande compétence managériale et professionnalisme de haut niveau.
Aboubakr Jamaï a poursuivi : "J'ai l'honneur de recevoir ce prix alors que notre région connaît un développement sans précédent dans son histoire récente. Nos peuples ont clairement exprimé leur besoin de s'émanciper de l'autoritarisme imposé par les dirigeants. Cette demande de liberté implique que les différends entre citoyens sont à trancher non pas par les dirigeants mais par les lois et les débats publics. Notre région a besoin maintenant plus que jamais de ce journalisme aujourd'hui bâillonné. Elle a besoin d'un journalisme qui informe et structure, qui facilite la compréhension des affaires publiques complexes. Un journalisme qui aide à construire un avenir commun aux peuples libres."
Aboubakr Jamaï a été chargé de cours sur l'Islam politique et sur la politique au Moyen-Orient à l'université de San Diego aux États-Unis. Il est le fondateur et le directeur actuel de la rédaction du site Web d'information en français fr.lakome.com.