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Médias sociaux et transparence au journal local suédois Norran

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Médias sociaux et transparence au journal local suédois Norran

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13670

D’après la rédactrice en chef du journal local suédois Norran, les journaux devraient exploiter ce qui fait la force des médias sociaux. En 2009, elle a doté le site Web de son journal d’une fonction de chat permettant aux lecteurs de discuter avec les journalistes présents dans la salle de rédaction. Cette innovation a non seulement été bien accueillie, mais elle est aussi « bonne pour la démocratie ».

Anette Novak, rédactrice en chef de Norran en Suède.

Anette Novak participera en tant qu’oratrice à la séance intitulée « Créer une communauté autour de votre journal » du 18e World Editors Forum à Vienne (du 12 au 15 octobre).

WAN-IFRA : De nos jours, nombreux sont ceux qui utilisent un autre support pour s’informer : Internet, téléphone portable ou tablette. Qu’est-ce que cela signifie pour les rédacteurs de journaux désireux de créer une communauté autour de leurs publications ?

NOVAK : Sachant la quantité d’informations que des géants comme Google et Facebook ont déjà réunie sur nos lecteurs, je pense personnellement qu’à long terme, nous n’arriverons pas à maintenir notre position en tant que support d’information. Nous devons établir un autre type de relation avec notre communauté et nous nous sommes rendu compte que la seule chose qu’aucun de ces géants ne pourra jamais nous ravir est la proximité et les relations privilégiées que nous avons avec nos lecteurs. Nous avons changé de concept en 2009. Autrefois, nous voulions toujours avoir la primeur des informations locales. Maintenant on dit que Norran rapproche les gens et leur permet de partager leurs idées et qu’ensemble nous renforçons la région.

WAN-IFRA : « Créer une communauté autour d’un journal ». Est-ce que cela signifie qu’il faut encourager les lecteurs à communiquer entre eux et avec le journal ?

NOVAK : Absolument. Nous voulons que les gens fassent connaissance, trouvent des occasions, créent ensemble. À l’ère de ce que l’on appelle le crowd-sourcing, à une époque où les consommateurs et les individus ont plus de pouvoir que jamais, cela signifie qu’il faut non seulement leur proposer des sujets de discussion, mais aussi leur permettre de trouver eux-mêmes ces sujets.

Une annonce avec Suha Hazboun, une Palestinienne chrétienne comptant parmi les nombreux participants à la dynamique d’intégration du journal Norran en coopération avec la meilleure équipe locale de hockey sur glace.Une annonce avec Suha Hazboun, une Palestinienne chrétienne comptant parmi les nombreux participants à la dynamique d’intégration du journal Norran en coopération avec la meilleure équipe locale de hockey sur glace.WAN-IFRA : Quels sont les trois principaux avantages que tirent les journaux de leur interaction avec leurs lecteurs ?

NOVAK : Il est difficile de fixer un ordre de priorité. La relation avec le lecteur, bien entendu. Pour nouer une relation avec quelqu’un, il faut lui parler sans cesse. Autrefois, nous essayions de deviner ce que nos lecteurs voulaient. Nous n’avons plus besoin de deviner, nous pouvons le leur demander.

C’est un moyen d’améliorer la qualité. Si vous disposez d’une communauté de, disons, 100 000 personnes, vous profitez de leur expérience et leur savoir en les écoutant. Et bien entendu, la couverture de l’actualité s’en trouve améliorée.

C’est aussi plus amusant. Nous vivons à une époque du direct où les gens demandent de l’interactivité. Et c’est du direct. Ils ont la possibilité de s’entretenir avec les journalistes dès que l’événement se produit.

WAN-IFRA : Quel effet ce « chat » en direct avec la rédaction a-t-il eu sur la façon dont les journalistes travaillent ?

NOVAK : Il faut changer ses priorités et organiser son temps différemment. Il faut sans cesse être connecté aux médias sociaux et suivre les messages qui y sont échangés. Cela prend du temps, mais d’un autre côté on y trouve son compte, par exemple si l’on est en quête d’informations. Nous recherchons toujours une dimension humaine pour rendre vivant un sujet théorique ou difficile à expliquer. Généralement, les salles de rédaction passent beaucoup de temps à la recherche de ces gens. En utilisant les médias sociaux comme nous le faisons, c’est très simple d’obtenir des idées. Les médias sociaux constituent un outil journalistique très efficace, mais exigent bien sûr de la souplesse.

WAN-IFRA : Quel type d’informations génère le plus de réponses de la part des lecteurs ?

NOVAK : L’aménagement urbain, par exemple. Dans le cadre de notre projet intitulé « Future City », nous avons réuni toutes les cartes présentant les projets du conseil municipal et les avons découpées quartier par quartier de sorte que les lecteurs puissent voir ce que la ville envisageait de changer dans leurs quartiers respectifs. Les réactions ont été nombreuses et la mairie était vraiment ravie d’obtenir ce type de contribution de la part des contribuables.

Nous pensons que c’est très bon pour la démocratie. C’est un retour à nos fondamentaux et à notre raison d’être. Les citoyens doivent avoir leur mot à dire dans les décisions qui concernent leur avenir et leur ville. Nous pourrions bien entendu mener des enquêtes critiques sur la mairie et le conseil municipal. Mais le mieux est de prévenir les lecteurs – « Regardez ce qu’ils prévoient de faire. Qu’en pensez-vous ? » – et de leur permettre de s’exprimer lorsqu’il est encore possible de faire quelque chose.

WAN-IFRA : Comme de plus en plus de gens s’informent en ligne, on pourrait facilement penser que le journalisme se globalise et que les publications régionales sont menacées. Est-ce le cas d’après vous ?

NOVAK : Cette question appelle une réponse nuancée. Il est vrai que nous nous globalisons parce que les gens acceptent davantage d’être mobiles et que, par conséquent, ils ont des amis et de la famille un peu partout. Mais je ne pense pas que l’on puisse dire d’une manière générale que les sociétés de médias régionales soient en difficulté. Cela dépend de ce qu’elles font. Je pense que, dans les années à venir, les mauvais reportages ne seront plus guère acceptés. Il n’est plus possible de dire « Nous ne pouvons pas couvrir cet événement correctement, mais nous allons en parler un peu » car il se trouvera toujours un produit numérique de niche pour faire mieux au niveau local.

WAN-IFRA : Dans des interviews précédentes, vous avez développé l’idée que « la transparence était la nouvelle objectivité ». Qu’est-ce que cela signifie dans la pratique ?

NOVAK : Nous voulons que cette région aille bien et nous voulons être le moteur de son développement. Cette approche s’écarte de la définition plus classique du journalisme où les journalistes se doivent d’être neutres et objectifs pour rester crédibles. Je crois en cette ère de la numérisation où toutes les informations seront tôt ou tard publiques et tout le monde sait qu’il peut travailler en parallèle avec nous. En tant que représentante d’une société de presse locale, je dirais que la plupart de mes collègues prennent parti pour cette région. Soyons donc honnêtes. C’est être crédibles de nos jours. L’objectivité n’a plus cours et l’honnêteté – la transparence – de dire les choses comme elles sont est la nouvelle façon de préserver sa crédibilité.

WAN-IFRA : Est-il possible pour un journal d’être trop interactif ?

NOVAK : Si vous excluez les gens qui ne peuvent pas être interactifs, cela peut poser un problème. Dans notre communauté par exemple, près de 50 % des gens ne sont pas en ligne pendant la journée. Ils travaillent dans le secteur de la santé, dans des écoles, dans l’industrie minière ou forestière et ne sont pas installés devant un ordinateur. Si je mise uniquement sur l’interactivité, j’exclus donc la moitié de la population. Et c’est un problème pour la démocratie. Dans cette ère de restructuration, ce n’est pas l’un ou l’autre, mais les deux. Il faut toujours garder à l’esprit qu’il ne faut pas faire uniquement ceci ou cela. Maintenant ou jamais. L’avenir a de multiples facettes et change tout le temps.

Auteur

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Hannah Vinter

Date

2011-09-30 09:00

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