Trente pour cent du chiffre d’affaires de la société et 50 pour cent des bénéfices proviennent des activités en ligne. Une bonne partie de la stratégie de Schibsted a consisté à accaparer les annonces classées en ligne et pas seulement en Norvège, pays où la société est basée. En 2008, les activités d’annonces classées internationales en ligne ont été réorganisées en une nouvelle société indépendante, Schibsted Classified Media (SCM). Aujourd’hui, la société est présente dans plus de 20 pays et ses activités sont en général basées sur le modèle à succès suédois Blocket.se. En mai de l’année dernière, la société a lancé le site d’annonces classées Sahipasand en Inde, également basé sur la plate-forme Blocket.
Avec l’acquisition du numéro un français des annonces classées, leboncoin.fr, en septembre 2010, Schibsted Classified Media est devenu un des plus grands groupes d’annonces classées au monde.
Depuis juin 2009, Rolv Erik Ryssdal est P.D.G. du groupe média Schibsted, éditeur de VG et Aftenposten en Norvège, Aftonbladet en Suède ainsi que des gratuits 20 Minutes en France et en Espagne. Il a rejoint la société en 1991 et a occupé plusieurs postes clés au sein du groupe dont P.D.G. de Aftonbladet de 1999 à 2005, P.D.G. de VG de 2005 à 2008 et P.D.G. de Schibsted Classified Media de 2008 à 2009.
Rolv Erik Ryssdal sera présent à une session du Congrès mondial des journaux (du 12 au 15 octobre à Vienne en Autriche) dans un de ses domaines de prédilection : le repositionnement. Voici un extrait de son interview par e-mail avec WAN-IFRA Magazine où il nous parle de la stratégie de son entreprise et de son succès.
WAN-IFRA : Il est clair que la société Schibsted a investi dans l’avenir et s’est positionnée avec succès sur le marché, notamment sur celui des annonces (classées) numériques. Dans votre rapport du premier trimestre 2011, vous avez mentionné que « les journaux vendus par abonnement prospèrent ». Pourriez-vous nous en dire plus sur ce qui a contribué au succès de ces journaux et quels sont les résultats ?
ROLV ERIK RYSSDAL : Nous avons observé ces derniers jours que nos journaux vendus par abonnement étaient en meilleure santé que nos journaux vendus à l’exemplaire. Ceci est dû, à mon avis, à plusieurs facteurs. Premièrement, leur chiffres de diffusion sont plus stables car ils ne sont pas soumis à la comparaison quotidienne des clients comme dans les kiosques. Ils sont livrés sur le pas de la porte et sélectionnés par le client à un moment donné pour une période assez longue. Économiquement, ils bénéficient d’un climat publicitaire clément, tout au moins sur nos marchés scandinaves. Ils sont passés par des mesures de réduction des coûts les années passées et cela les place aujourd’hui dans une situation économique saine. Nous sommes cependant un peu inquiets de l’impact possible que pourrait avoir le déclin constaté actuellement sur les marchés financiers.
WAN-IFRA : La récente acquisition par Schibsted du site leboncoin.fr et la fusion avec Media Norge indiquent que la société s’emploie à diversifier ses activités, aussi bien au niveau local qu’international, et à renforcer sa présence dans le domaine des annonces classées en ligne. Ces investissements sont-ils rentables et devons-nous nous attendre à une expansion plus grande encore dans un proche avenir ?
ROLV ERIK RYSSDAL : La stratégie de Schibsted repose sur deux piliers : l’un est notre position de leader pour les informations sur papier et en ligne en Norvège, en Suède et à l’international ; l’autre est de devenir le leader sur les marchés en ligne à la croissance rapide.
Quelques-unes de nos entreprises de presse comptent parmi les sociétés leaders en Europe pour les journaux en ligne et parmi les pionniers en matière de Web TV, services mobiles et services payants en ligne. Aftonbladet, VG et d’autres sociétés médias possèdent des connaissances importantes sur l’interaction entre les supports médias traditionnels et nouveaux et c’est là-dessus que se basent nos ambitions pour un futur essor. Jouant un rôle de premier plan sur le marché scandinave, nous avons la chance de pouvoir exporter nos concepts et connaissances sur d’autres marchés au sein de l’Europe voire en dehors de ce continent.
Exporter des concepts testés et éprouvés sur notre marché local est un élément important de la stratégie de Schibsted. Ces dernières années, nous avons systématiquement élargi nos activités annonces classées en ligne, que ce soit par des acquisitions ou par une croissance organique. Les annonces classées en ligne sont un pilier de notre modèle économique depuis longtemps et la réorganisation fera en sorte qu’elles continueront de l’être longtemps encore. En 2011, nous avons investi près de 60 millions d’euros dans des lancements sur de nouveaux marchés.
WAN-IFRA : La plupart des éditeurs de journaux aujourd’hui comptent sur leurs activités imprimés pour la majorité de leurs revenus… Quel conseil donneriez-vous aux éditeurs pour à la fois maintenir une forte présence dans le monde de l’imprimé et investir dans le numérique ?
ROLV ERIK RYSSDAL : Pour l’instant, les médias en ligne n’ont pas encore réussi à compenser pleinement les revenus issus des produits imprimés. Ils ne sont pas encore parvenus à remplacer tout le travail important des salles de rédaction papier. Comme tant d’autres directeurs d’entreprises de presse, je suis inquiet de l’avenir du journalisme d’investigation. Malheureusement, les ressources que les entreprises de presse ont à disposition pour financer un tel journalisme sont maigres. Trouver des modèles économiques pérennes pour financer un journalisme sérieux est un problème pour lequel il est nécessaire de trouver une solution. Un problème crucial non seulement pour notre secteur mais aussi pour nos sociétés démocratiques qui, dans nos régions, sont habituées à ce genre de journalisme.
Ce qui est vital, c’est d’expérimenter avec le paiement du contenu en ligne. Nous devons trouver des modèles viables pour notre contenu. Ceci est important pour nous aussi à Schibsted. Il est difficile de donner des conseils à d’autres entreprises de presse pour mener à bien la transition, car les traditions et les caractéristiques diffèrent. Parmi les caractéristiques sur lesquelles a reposé la transition à Schibsted, citons le fait que nous avons commencé très tôt, avons gardé confiance en nos produits et affecté les ressources nécessaires même pendant la bulle Internet. De plus, nous avons osé la cannibalisation en créant des sociétés d’annonces classées en ligne en concurrence directe avec nos produits traditionnels en ligne. Tous ces facteurs nous ont permis d’être aujourd’hui « en bonne santé ».