Raghida Dergham, principale correspondante diplomatique à Al Hayat, a d’abord prévenu l’auditoire qu’elle habitait New York et qu’elle ne pouvait donc pas avoir une vision globale de la situation des médias sur le terrain. Elle pense cependant que certaines chaînes satellitaires n’ont pas su faire la distinction entre couvrir les événements par leurs reportages et inciter le peuple à la révolte.
Mohamed El Dahshan, économiste et écrivain égyptien, a mis l’accent sur l’importance des différents types de médias suivis par différentes personnes. Certains médias locaux sous la tutelle du gouvernement ont en effet entravé le changement et menacé des manifestants. Un des membres de l’audience a indiqué que les médias resteront un obstacle tant qu’ils ne diront pas la vérité.
C’est clair qu’Al Jazeera est un acteur clé en ce qui concerne le rôle des médias dans le monde arabe. Fahem Boukadous, journaliste tunisien, a mentionné qu’avant la révolution tunisienne de l’année dernière, c’était comme si Al Jazeera était une chaîne tunisienne et que les médias tunisiens ne se sont réveillés qu’après le 14 janvier 2011. La chaîne d’information qatarie a joué un rôle politique central dans l’incitation au changement, a-t-il ajouté. Les autres intervenants ont souligné, qu’en ce qui concerne le Bahreïn ses intentions avaient toutefois été différentes.
Les médias doivent-ils inciter le public à agir ? Les lignes éditoriales doivent-elles prendre parti, même si c’est en faveur d’un changement positif ?
L’objectivité et la neutralité – savoir transmettre les informations et raconter les évènements sans influencer son audience – ont toujours été considérées comme les valeurs clés du métier de journaliste. Mais les participants au Forum se sont tout de même demandé s’il est vraiment possible de rester neutre dans un reportage ? Il serait peut-être préférable, selon certains, de renoncer à cette neutralité jusqu’à un certain point et de s’efforcer plutôt d’être toujours transparent. Cela permettrait à l’audience de juger elle-même de la crédibilité de l’organisation. « L’objectivité n’existe pas quand il s’agit de victimes et de leurs oppresseurs », ajouta Gamal Eid, fondateur et directeur du Réseau d’information arabe des droits de l’Homme (ANHRI).
Rohan Jayasekera, rédacteur en chef adjoint du magazine de Index on Censorship, estime qu’il y aura toujours une place dans la société pour le journalisme partisan qui fait appel à la protestation pacifique. Il ne faut pas confondre avec une incitation à la violence, ce qui est toujours une erreur.
Les participants ont aussi discuté des relations entre la presse et les médias sociaux. La presse a toujours été une force qui existe séparément du reste de la société, dans son propre espace, mais les journalistes doivent aujourd’hui partager cet espace avec le public par le biais des médias sociaux, dit Fahem Boukadous. Les médias ne sont donc plus séparés de la société.
Même dans un climat où les médias sociaux sont omniprésents, la presse conserve son rôle central. « Nous ne pouvons pas ignorer le rôle du journalisme et ne dépendre que des informations provenant de citoyens sur le terrain : nous devons trouver un juste équilibre pour obtenir les meilleurs résultats », suggère Mohamed El Dahshan. Rohan Jayasekera estime que le plus important pour les journalistes est de savoir absorber de grandes quantités d’informations et les communiquer d’une manière compréhensible.