Le 23 novembre, Said Al-Khazami, journaliste et présentateur à la télévision nationale – bien connu pour ses critiques des tentatives du gouvernement pour contrôler le contenu de la télévision nationale –, a été congédié par le directeur de la chaîne. Ce congédiement arbitraire sème l'inquiétude devant l'intervention politique incessante dans les médias publics.
On a appris cette nouvelle dans le sillage de certaines autres nouvelles d'un optimisme prudent concernant le secteur des médias. Lors d'une réunion en octobre avec des professionnels des médias, des officiels tunisiens ont annoncé qu'ils allaient enfin mettre en oeuvre les décrets 115 et 116 sur la liberté des médias, ce qui mènera à l'instauration le 10 décembre 2012 de la Haute Autorité indépendante pour la Communication audiovisuelle (HAICA). Le TMG de l'IFEX invite en outre les autorités tunisiennes à en garantir l'indépendance en faisant participer le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et d'autres organismes liés aux médias aux consultations devant mener à la mise sur pied de la HAICA.
La réunion a été organisée après qu'un appel à la grève générale des médias eut été lancé le 17 octobre 2012 pour exiger l'indépendance des médias, notamment la transparence en ce qui concerne les nominations dans les médias. À la suite de la grève, l'ancien commissaire de police Lotfi Touati, dont la nomination avait été fortement critiquée, a été destitué de son poste de directeur général du journal Dar Assabah. Le TMG de l'IFEX a qualifié le retrait de Touati de "geste positif", mais constate avec inquiétude que celui-ci a été immédiatement désigné le 31 octobre à un autre poste gouvernemental de haut niveau, soit au Centre National de Documentation. La démarche est considérée par les médias locaux comme une indication que le gouvernement n'est pas intéressé à prêter l'oreille à leurs préoccupations.
De plus, le TMG de l'IFEX demeure préoccupé par le fait que, dans son état actuel, le projet de constitution viole le droit à la liberté d'expression. Certaines dispositions qui protègent les "valeurs sacrées" en laissent l'interprétation à la fantaisie de ceux qui les font respecter et qui pourraient les utiliser pour criminaliser le discours, et devraient donc être retirées de l'ébauche. En outre, les références aux libertés et à la réglementation des médias ne sont pas conformes aux normes internationales et négligent de garantir l'indépendance des médias, et devraient donc être remaniées.
La diffamation pénale reste en vigueur
Les lois sur la diffamation pénale menacent déjà la libre expression en Tunisie, dit le TMG de l'IFEX. Le 6 novembre à Mahdiya, le journaliste Gazi Mabrouk a été inculpé, aux termes de l'Article 86 de la loi sur la Communication, de “diffamation criminelle” et “d'avoir répandu de fausses nouvelles sur Internet”. Selon le Centre de Tunis pour la liberté de presse, Mabrouk est passible de deux ans de prison. Les charges découlent d'un article publié le 26 août 2011 sur le site Tunez Tantakhib (La Tunisie vote), portant sur des travailleurs qui subissaient des préjudices à l'usine de vêtements de Boumerdès.
Lors d'un autre incident troublant, en septembre, le ministre de l'Éducation supérieure a intenté une poursuite en diffamation pénale contre Adel Al-Hajji, un journaliste du journal Al-Tariq Al-Jadid, pour avoir publié un article dans lequel Al-Hajji décrivait comment le ministre avait ordonné aux employés du ministère de mettre sur leur bureau un signe religieux orienté vers La Mecque. Al-Hajji a été accusé d'avoir “répandu de fausses nouvelles” et d'avoir “troublé l'ordre public”. Le TMG de l'IFEX salue toutefois la décision du juge présidant l'audience, le 2 novembre, de classer l'affaire.
Les attaques se poursuivent contre la liberté d'expression
Par ailleurs, les attaques contre la liberté d'expression continuent sans relâche en Tunisie. Le 3 novembre, Oussame Boujeile et Chaine Bilrish, tous deux membres du mouvement de graffiteurs Zwewla, ont été arrêtés par la police à Gabès pour avoir écrit des graffitis sur les murs. La police a utilisé des balles réelles pour les dissuader de s'enfuir. Relâchés après interrogatoire, ils ont tous deux été inculpés le 6 novembre d'avoir “violé les lois d'urgence, répandu de fausses nouvelles susceptibles de troubler l'ordre public, et d'avoir écrit sans permission sur la propriété publique”. Les accusés doivent comparaître le 5 décembre 2012 et sont passibles de lourdes peines de prison.
Entre-temps, la justice est bien faible pour ceux qui subissent de violentes attaques parce qu'ils exercent leur droit à la libre expression. Les membres du TMG de l'IFEX ont marqué en novembre la Journée internationale contre l'impunité en soulignant le cas du poète Sghaier Ouled Ahmed, hospitalisé en août après avoir été violemment agressé par cinq salafistes à la suite d'une entrevue qu'il avait donnée dans laquelle il se montrait critique à l'égard du parti au pouvoir, Ennahda. Personne n'a été traduit en justice pour cette agression, qui n'est qu'une parmi de nombreuses autres perpétrées au nom de croyances politiques ou religieuses.
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