En 2003, il a supervisé le passage de son journal au format compact, une innovation qui a eu tant de succès qu’elle a incité d’autres grands quotidiens britanniques à faire de même. L’année dernière, il a présidé au lancement de « i », une compilation d’articles parus dans The Independent qui s’adresse aux usagers des transports en commun.

Simon Kelner prendra la parole au World Editors Forum à Vienne (du 12 au 15 octobre) et montrera que des projets rédactionnels peuvent contribuer au succès du produit imprimé.

WAN-IFRA : « i » a été lancé en octobre dernier. Neuf mois se sont maintenant écoulés. Comment jugez-vous son bilan ?

KELNER : Cela a été un franc succès. Les ventes ont suivi une évolution normale pour un tout nouveau journal – elles ont été très élevées au début, puis ont lentement baissé pour se stabiliser à un niveau très satisfaisant. Mais en début d’année, nous avons mené une vaste campagne publicitaire et, depuis lors, les ventes ne cessent de progresser. Actuellement, nous vendons près de 180 000 exemplaires par jour.

WAN-IFRA : Pensez-vous que des éditions plus petites et moins chères qui font une synthèse des principales informations peuvent marcher avec d’autres quotidiens ?

KELNER : Je pense que cela a fait réfléchir un grand nombre d’entreprises de presse et leur a montré qu’il était possible de lancer un nouveau produit imprimé offrant aux gens ce qu’ils recherchent à un prix abordable et faisant, comme vous le dites, une synthèse de tout ce qui est déjà produit. Et c’est un succès.

WAN-IFRA : Quel est le profil des lecteurs de « i » par rapport à ceux du journal The Independent ?

KELNER : « i » a un lectorat plus jeune et plus citadin. Ce journal a été conçu pour des lecteurs jeunes et mobiles utilisant surtout les transports en commun.

WAN-IFRA : Il ressemble peut-être davantage aux journaux The Evening Standard ou The Metro ?

KELNER : C’est un journal beaucoup plus haut de gamme que The Metro. De plus, The Metro est gratuit alors que « i » ne l’est pas. Mais il s’adresse à des gens en déplacement qui ont un mode de vie actif : « i » correspond à leur profil.

WAN-IFRA : « i » ne coûte que 20 pence (23 centimes d’euro environ), soit un cinquième du prix de vente du journal The Independent. Si son succès était trop important, la rentabilité pourrait-elle être menacée ?

KELNER : Non. Jusqu’ici « i » n’a pas trop cannibalisé The Independent. C’est l’une des constatations très encourageantes que nous avons faites. Il en va de même pour les autres journaux de qualité. Manifestement, il a contribué au développement du marché en termes de lecteurs de qualité.

« i » le samediWAN-IFRA : Au mois d’avril, « i » s’est doté d’une édition le samedi – comment les lecteurs l’ont-ils accueillie ?

KELNER : Nous l’avons lancée à la demande des lecteurs. Au départ, il [« i »] paraissait uniquement du lundi au vendredi. Depuis le début, nous nous efforçons de répondre aux besoins de nos lecteurs, qu’ils soient petits ou grands. Le lancement d’une édition le samedi était bien entendu une décision importante pour nous, mais elle correspondait vraiment à ce que les lecteurs voulaient. Et ils lui ont accordé leur soutien et nous sommes très contents du niveau des ventes le samedi.

WAN-IFRA : Le marketing et la publicité ont joué un rôle important dans le succès du lancement de « i ». Comment, d’après vous, les journaux peuvent-ils mieux vendre leurs produits imprimés ?

KELNER : « i » a montré que, pour avoir du succès, il faut avoir un produit répondant à un besoin sur le marché et une politique de marketing montrant les avantages du produit.

WAN-IFRA : Il faut donc agir sur deux fronts. Ce n’est pas uniquement une question de marketing ; il faut aussi avoir le bon produit dès le début. N’est-ce pas ?

KELNER : Si votre produit ne répond pas aux besoins de votre audience, vous n’aurez pas beaucoup de succès même avec la meilleure campagne de marketing qui soit. Nous avons commencé par évaluer les besoins de notre audience en fonction desquels nous avons ensuite conçu notre produit.

WAN-IFRA : En 2003, vous avez été élu « rédacteur de l’année » au concours « What the Papers Say » et le jury a surtout apprécié la « conception saisissante de vos ‘unes’. Qu’est-ce qui est important sur la « une » ?

KELNER : La « une » est la vitrine d’un journal et c’est le meilleur moyen de communication auprès du public. Dans un journal, tout est important : les pages de commentaires comme les pages sportives. Mais la « une » est la plus importante de toutes car un grand nombre de nos exemplaires sont achetés par des lecteurs occasionnels et si nous arrivons à capter leur attention dans les kiosques, au milieu de tous les autres produits, la partie est à moitié gagnée.

WAN-IFRA : Le News of the World tiré à près de 2 millions d’exemplaires ayant maintenant disparu des kiosques, les journaux de qualité vont-ils essayer de combler ce vide ?

KELNER : Nous avons constaté que les concurrents directs du News of the World comme le Sunday Mirror, The People et le Daily Star profitaient beaucoup de la fermeture du News of the World. Comme un grand nombre de lecteurs de journaux de qualité achetaient le News of the World en plus d’un journal de qualité, je ne pense pas que nous ayons beaucoup à gagner de la fin du News of the World.